Dominique Pifarély : Anabasis //-->

ANABASIS

pour choeur, 6 musiciens et 2 récitants
textes de Paul Celan, Fernando Pessoa et Jean-Luc Nancy

traductions de André du Bouchet


Production :

Archipels – Cie Dominique Pifarély
Coproduction L’Allan, Scène Nationale de Montbéliard,
Festival Jazz d’Or et Pôle Sud – Théâtre de Strasbourg

Commande d'Etat


     

anabasis : marche, expédition.
[ana]  vers le haut, en arrière, de nouveau.

"L'anabase, c'est la remontée de la mer vers les terres (…) et
la sortie d'exil. Cette montée est aussi un retour, qui
paradoxalement s'effectue dans l'avenir."

Martine Broda, "Dans la main de personne, essai sur Paul Celan"

Distribution
 

Choeur : Contraste (Ensemble vocal de Franche-Comté), dir. Brigitte Rose

Récitants : Violaine Schwartz, Pierre Baux

Musiciens :
Dominique Pifarély, violon

Vincent Courtois, violoncelle

François Corneloup, saxophone baryton

Michel Godard, tuba

François Couturier, piano

Eric Groleau, batterie

Son, traitement sonore : Thierry Balasse

Lumière : Jean Grison


Ici, à partir donc du "commode", mais à la clarté aussi bien de l'utopie, j'entreprends — maintenant — une exploration topologique. Je recherche le pays d'où Reinhold Lenz et Karl Emil Franzos, ici rencontré chemin faisant, et près de Georg Büchner, ont eu départ. Je recherche également, puisque, à nouveau, j'en suis au début, le lieu de ma provenance. Je les recherche d'un doigt mal assuré, parce qu'anxieux, sur la carte — carte d'enfant, à dire vrai, la seule que je possède.
    De ces lieux, aucun ne se laisse situer, ils paraissent absents, mais je sais où, à cette heure, ils doivent surgir enfin, et... je découvre quelque chose.

    Je découvre quelque chose qui me décharge, pour une part, de m'être en votre présence enfoncé dans cet impossible chemin de l'Impossible. Je découvre ce qui lie, et finalement amène le poème à la rencontre. Je découvre quelque chose — à l'instar de la parole — immatériel, mais terrestre, de ce sol, chose ayant forme de cercle, et qui, passant de pôle à pôle, fait sur soi retour et intersecte — posément — toutes tropes : je découvre... un Méridien.


Le méridien, par Paul Celan, trad. André du Bouchet (éd. Fata Morgana)


Contact :

Archipels-Cie Dominique Pifarély

Virginie Crouail


Intention


[oratorio]
Insensiblement, en réunissant diverses expériences texte/musique, je me suis rapproché de cet "espèce d'opéra spirituel, ou tissu de dialogues, de récits, de duos, de trios, de ritournelles, de grands chœurs" (Sébastien de Brossard, 1703), ou encore : musique improvisée par l'assemblée réunie autour du prédicateur et dirigée par lui, empruntant souvent des mélodies connues plaquées sur des textes de circonstance", présentant, "une certaine analogie entre les débuts de l’oratorio et le spiritual  des Noirs d'Amérique" (Encyclopædia Universalis). Ainsi le travail du musicien de jazz, l'ancrage culturel du violoniste semblaient se rejoindre dans une  même nécessité, un même déplacement des pratiques : de l'écrit à l'improvisé, du texte au geste musical, du son au mouvement du sens.
C'est de cette nécessité que surgit l'idée d'"Anabasis". Double nécessité, formelle et sensible, en ce qu'elle adjoint à une direction de travail un questionnement qui porte sur l'exil, le sujet et la communauté. Le déplacement, la fuite, la quête, mais aussi l'exil de soi et le retour vers soi et vers l'autre.

[livret]
    Le déplacement donc, le multiple et le Un, la question de la langue (autour de quoi s'organise l'Entretien dans la montagne, texte qui introduit Anabasis) parcourent les poèmes de Paul Celan et de Fernando Pessoa que j'ai réunis, et dans lesquels le rythme et la syncope, comme le caractère fragmentaire de la phrase sont - au-delà du sens - les éléments proprement musicaux sur lesquels j'ai fondé mon travail. Ces poèmes seront chantés dans leur langue d'origine et dits dans leur traduction française.
 J'ai également voulu introduire dans ce tissu de textes la langue philosophique dans ce qu'elle a d'absolument poétique, avec des fragments empruntés au philosophe Jean-Luc Nancy.
    Cet assemblage prend le pari d'une construction non-narrative, dans laquelle la réitération, la césure, le mélange des langues permettent une écoute mobile, une sorte d'"attention flottante" entre la parole, le chant et le geste instrumental.
   
[musique]
Les textes sont dits par les deux comédiens, la "dramatisation" traditionnelle du livret faisant ici place à un travail particulier sur le rythme et la répétition, en contrepoint des parties instrumentales écrites ou improvisées. Chantés par le chœur, ils sont soumis au discours improvisé des instrumentistes-solistes, qui apparaissent sans cesse en "ombre double". 
L'écriture musicale tente ainsi de cerner une géographie à la fois précise (l'écriture du chœur, certaines parties instrumentales) et mouvante, indéterminée (les textes retravaillés, quasi improvisando, par les comédiens, l'improvisation musicale).